- Introduction
Depuis 1961, la République populaire de Chine s’est engagée dans la production institutionnelle et juridique relative au patrimoine culturel en mettant en place le premier texte législatif de sauvegarde des monuments historiques, accompagné d’une liste de sites à valeur patrimoniale. Si ce premier inventaire prenait en compte essentiellement les sites liés à la révolution communiste et à l’archéologie, peu à peu, ce modèle a été étoffé par l’inclusion des sites historiques et culturels où la composante locale et « ethnique » [民族] entre en considération. Ce nouveau paradigme s’est traduit par un accroissement fort dans l’investissement culturel, revalorisant non seulement les éléments des différents passés impériaux mais aussi ce qui est appelé, dans les termes officiels, les « minorités ethniques » [少数民族]. Dans ce contexte patrimonial inédit, une série de monuments bâtis retiennent l’attention : ceux appartenant au « patrimoine musulman » [伊斯兰文化遗产]. Sans être institutionnellement reconnue sous cette appellation[1], ce patrimoine pose de nombreuses questions notamment sur les enjeux politiques, économiques et sociaux sous-jacents. A travers cet article, je propose quelques pistes de réflexion sur l’établissement de ces politiques culturelles qui conduisirent à l’émergence d’une catégorie non formulée.
- Naissance et expansion de la notion de « patrimoine »
Le patrimoine est un objet d’étude mobile, aux lignes sémantiques évanescentes (Desvallées, 1995 ; Andrieux, 1997 ; Harvey, 2001 ; Paveau, 2009 ; Heinich, 2009, parmi d’autres), à la fois signe de la complexité de la notion (dans son sens et ses emplois) et de ses mutations rapides. Actuellement, « il n’y a pas de bâtiments, monuments, objets, pratiques, ou autres qui auraient des qualités intrinsèques (par ex. historiques, culturelles) telles qu’ils devraient automatiquement être qualifiés de patrimoniaux. Au contraire, le patrimoine est une construction sociale : est patrimonial ce qu’une société historique désigne à un moment donné comme tel. Il est alors l’objet d’enjeux, de luttes de définition » (Söderstrôm, 1992, cité par Felli, 2005 : 276). En effet, dans son acceptation actuelle, la notion de patrimoine culturel, est le produit d’une longue histoire, particulièrement révélatrice du rapport entretenu au passé. Aujourd’hui, la représentation d’un héritage à conserver, à entretenir et à transmettre, revêt la force de l’évidence, et est omniprésente dès qu’il s’agit de parler du passé conservé ou détruit, de la mémoire entretenue ou abandonnée, de la transmission dite ou tue (Paveau, 2009 : 1). Si cela a conduit à sauvegarder un nombre croissant d’œuvres et de créations humaines ou naturelles, ce phénomène a aussi eu pour conséquence de rendre la notion plus « floue » (Bondaz et al., 2014 : 24).
La très grande plasticité du terme lui a valu d’être accolé à différents qualificatifs depuis, ainsi que le présente Jean-Yves Andrieux : « ce beau et très ancien mot était, à l’origine, lié aux structures familiales, économiques et juridiques d’une société stable, enracinée dans l’espace et le temps. Requalifié par divers adjectifs (génétique, naturel, historique…) qui en ont fait un concept « nomade », il poursuit aujourd’hui une carrière autre et retentissante » (Andrieux, 1997 : 18). L’évolution du patrimoine prend en effet la forme d’un élargissement continu de son périmètre (Choay, 1996 : 9 ; Guillaume, 1980 : 11), lui permettant d’accepter désormais des œuvres de toutes natures, matérielles autant qu’immatérielles, de toutes les époques, renvoyant à des symboliques toujours renouvelées (Heinich, 2009 : 17-21) : ces dernières années, cette expansion s’est également traduite dans le domaine académique où a fleuri une multitude d’études accolant le terme de patrimoine au développement des droits humains (Silvermann & Ruggles, 2007), à l’écologie (Brabec & Chilton, 2015), à la durabilité (UNESCO, 2015) ou encore en le renouvelant analytiquement à travers le mouvement des critical heritage studies (Smith, 2006 ; Harrison, 2013).
Cependant, cette « nomadisation » catégorielle n’en demeure pas moins polémique et soumise à de vifs débats : son caractère passéiste dont l’extension est « menacée d’obésité » (Guillaume, 2000 : 2) suscite des inquiétudes. Comme le note Dominique Poulot, « certains décèlent, dans le phénomène, le succès d’une nouvelle attitude devant le passé […] qui ferait le lit d’un postmodernisme recentrant les valeurs sociales sur les concepts d’identité, de mémoire et de territoire ». Tandis que « d’autres s’inquiètent des débordements possibles d’une « prolifération patrimoniale » sanctionnée par les ministères de la Culture successifs » (Poulot, 1993 : 1608). À ces controverses qui alimentent une large littérature (par exemple Bromberger, 2014) s’ajoutent les « patrimonialisations profanes » (Roberston, 2012), l’irruption d’acteurs privés et non institutionnels (Bondaz et al., 2014 : 9-10) et l’apparition de nouveaux métiers (Hottin et Voisenat, 2016) qui entraînent des évolutions majeures dans l’appréhension de ce phénomène.
Ces questionnements, loin d’être atténués, s’en trouvent même renforcés par l’internationalisation du concept à travers l’organe de l’UNESCO. Dès sa promulgation, la Convention de 1972 est perçue comme ethnocentrée (Winter, 2014), principalement sensible aux aspects matériels du patrimoine et soucieuse de distinguer des œuvres de « valeurs universelles exceptionnelles » (UNESCO, 1972) et « authentiques » (ICOMOS, 1964) par leur qualité intrinsèque et leur rayonnement. Cette conception étroite du fait patrimonial et les nombreuses critiques qu’elle suscita débouchèrent sur une série de réflexions et de programmes destinés à assurer une meilleure prise en compte des différentes appréhensions de la « diversité culturelle » – notamment celle touchant à la notion nébuleuse d’ « authenticité ». Le « Document de Nara » (UNESCO, 1994), en reconnaissant la pluralité des traditions culturelles et en appelant à des critères plus flexibles quant à l’usage du terme d’ « authenticité », répondait partiellement à ces critiques. Cependant, il fallut attendre la Convention du patrimoine culturel immatériel (2003) pour que ces valeurs problématiques soient remplacées par des exemples culturels « représentatifs » (Hafstein, 2009 : 101-102), une approche censée plus égalitaire qui reconnaîtrait la valeur de toutes les pratiques culturelles. Malgré cette resémantisation terminologique, les problématiques touchant à l’approche conceptuelle et la mise en œuvre du « patrimoine » perdurent dans une « ambiguïté » (Bromberger, 2014) protéiforme.
Néanmoins, si ces questionnements recèlent un intérêt indéniable, il s’agit de les replacer dans un processus interprétatif, avec des significations générées par ceux qui sont en mesure de faire valoir un patrimoine : « Toute réalisation humaine du passé, quelle qu’elle soit, ne reste qu’un vestige sans valeur, voire un poids, tant qu’une démarche de reconnaissance collective et institutionnelle de patrimonialisation ne s’est pas opérée » (Cousseau, 2015 : 19). En effet, le patrimoine implique un cadre législatif et n’est pas isolé du champ politique : sa reconnaissance et sa gestion demeurent marquées par l’action des pouvoirs publics, notamment par son inscription sur des listes patrimoniales qui soutiennent sa protection, sa valorisation, et son accession à l’historicité, mobilisant des institutions, des lois et des décrets (tout un appareil juridique), des discours (en particulier une rhétorique proliférante du pouvoir politique), des savoirs et des pratiques » (Guillaume, 1980 : 13), liées à des impératifs idéologiques propres à l’édification de l’État moderne. Ce choix consistant à analyser le rôle des politiques culturelles n’est qu’une facette et n’épuise pas la manière d’étudier le patrimoine (Bendix et al. 2012 par exemple).
2.1 Au-delà du consensus : accommodements et négociations
S’il est important de prêter attention aux ressorts du « discours autorisé » (Smith, 2006) apposés au patrimoine, ceci ne doit pas nous faire perdre de vue qu’il n’est cependant pas le seul. Bien que le discours commun et de nombreuses recherches insistent sur le caractère hégémonique des discours sur le patrimoine (Bendix et al., 2013), il faut prêter une attention particulière à l’analyse proposée pour dépasser cette lecture dualiste des patrimonialisations, avec d’un côté des populations assujetties et de l’autre, des acteurs institutionnels opprimants. Cette posture limitatrice ne permet pas de rendre compte des dynamiques d’appropriation où se jouent de continuelles négociations (Bayart, 1985) : « c’est parce que la requalification patrimoniale rencontre un espace de vie, de travail, de transmission de valeurs, un environnement quotidien pour des individus aux statuts sociaux divers qu’elle suscite de nouvelles ressources pour l’expression d’attentes identitaires, économiques ou politiques et génère des dynamiques institutionnelles » (Bondaz et al., 2012 : 14). De surcroît, des connivences et des stratégies entre ces deux pôles peuvent émerger dont il est nécessaire de rendre compte afin de mieux cerner les logiques propres aux divers acteurs impliqués dans ce mécanisme. En effet, la mise en patrimoine crée de nouveaux espaces sociaux de négociations, de conflits, d’accommodements et d’expressions collectives entre des groupes en perpétuelle redéfinition (Adell & Pourcher, 2011 : 10 ; Bondaz et al., 2012 : 14). Comme le souligne Daniel Fabre, il s’agit de traiter « concrètement de la relation sur place entre les différentes versions et les divers échelons de la monumentalisation » (Fabre, 2000 : 28) : la confrontation de ces divers protagonistes permettra de saisir de quelle façon peuvent être activés aujourd’hui l’histoire et les procédés alternatifs d’énoncer et de pratiquer le patrimoine.
- Logiques patrimoniales en Chine
Depuis cent ans, des lois et des règlements, la création d’institutions, aussi bien que des exemples de pratique pour protéger le patrimoine culturel chinois n’ont pas manqué. Sous la République de Chine (1912-1949) déjà, le gouvernement nationaliste chinois (ou Guomindang) promulgua les premières règlementations sur les artefacts culturels et la conservation des sites historiques et touristiques[2]. Dès lors, les recommandations destinées à sauvegarder le patrimoine se sont multipliées, accompagnées d’inventaires et de recensions systématiques sur l’ensemble du territoire (Fresnais, 2001 : 80). Cependant, ce processus fluctua fortement au gré des événements qui marquèrent le XXe siècle en Chine, entre destructions iconoclastes liées à la Révolution culturelle (1966-1976) et préservation des monuments historiques.
Formellement, il faut attendre les années 60 pour que la jeune République populaire de Chine (RPC) mette en place un premier « Règlement provisoire sur l’administration de sauvegarde des monuments historiques » [文物保护管理暂行条例], accompagné d’une liste de 180 sites à valeur patrimoniale, appelés « unités de sauvegarde nationales » [重点文物保护单位]. Dans un premier temps, cette liste initiale prenait en compte principalement les sites liés à la révolution communiste et à l’archéologie – notamment la Chine ancienne et dynastique – comme support de mobilisation des sentiments nationalistes de la population : « Les œuvres d’art et les édifices anciens sont […] des matériaux de la plus haute importance, pour enseigner le patriotisme à notre grand peuple »[3]. Cette dimension politique de valorisation patrimoniale explique en partie la répartition inégale du parc patrimonial entre les différentes provinces, où les régions des minorités nationales apparaissent moins représentées dans les premières décennies patrimoniales chinoises (voir le tableau ci-dessus). Ces considérations furent redéfinies par l’institutionnalisation législative du patrimoine avec la promulgation de la première loi sur le patrimoine culturel en 1982[4], faisant suite aux redéfinitions administratives s’inscrivant dans le mouvement de libéralisation du pays, à la fin des années 1970.
En effet, l’accession de Deng Xiaoping 邓小平 (1904-1997) au poste de premier ministre en juillet 1977, modifie durablement la place accordée au patrimoine culturel, où l’idéologie révolutionnaire et la lutte des classes ont peu à peu été remplacées par une perspective nationaliste (Shepherd & Yu, 2013 : 25 ; Svensson, 2016 : 35 ; Svensson & Maags, 2018 : 18) où apparaissent d’importants changements socio-économiques.
3.1 Extension du champ patrimonial
Le début de la période de réforme et d’ouverture (1978), promu par Deng Xiaoping a favorisé un changement significatif dans la façon dont le Parti et l’État considéraient le passé. La prééminence du courant pragmatique (Fresnais, 2001 : 115 ; Billeter, 2007 : 356) consacre l’émergence du nationalisme culturel qui s’est traduit par un accroissement fort dans l’investissement culturel, revalorisant non seulement les éléments des différents passés impériaux, mais aussi ce qui est appelé, dans les termes officiels, les « cultures traditionnelles des minorités ethniques » [少数民族传统文化]. En effet, au seuil des années quatre-vingt, l’État reconnaît l’existence des particularismes dits « nationaux » (c’est-à-dire ethniques) et la place influente de la religion. Ainsi, lors du Troisième Plénum du PCC en 1978, le Comité central soutint les conclusions portant sur le déclin de la lutte des classes ce qui amena à une acceptation progressive d’une plus grande diversité de pratiques sociales et économiques, y compris dans le domaine religieux. Passant d’une appréciation dépréciative à un élément constitutif de la « culture chinoise »[5], le statut de la religion a alors connu un changement paradigmatique important incarné dans deux textes majeurs : le « Document 19 » (1982), qui revenait sur les erreurs commises durant la Révolution culturelle, considérait que l’élimination de la religion n’étant plus le but final de la politique religieuse du PCC (Qu, 2011 : 436). Au contraire, le texte énonçait le respect de la protection de la liberté de croyance religieuse et donnait les directives principales pour régir les interactions entre l’État et la religion. La même année, le principe de la liberté de croyance fut à nouveau amendé dans la Constitution de la République populaire de Chine[6], reconnaissant alors que la diversité culturelle et religieuse n’est pas incompatible avec la loyauté politique à l’égard du parti. Cette reconnaissance du fait religieux fut accentuée sous la présidence de Jiang Zemin qui, dès le début des années 1990, émit des directives[7] et fit plusieurs interventions remarquées quant à la place « positive » de la religion en Chine, la reconnaissant comme une force stabilisatrice de la société, mobilisable pour le développement national. Cette orientation fut encore consolidée sous la présidence de Hu Jintao (2003-2013) durant laquelle l’attitude législative nationale reconnut la religion comme un élément constitutif d’intérêt public (Laliberté, 2015 ; 2017), permettant de créer une « société harmonieuse » [和谐社会] (Boutonnet, 2009 ; Qu, 2011 : 436-37).
Cette légitimation grandissante du religieux se trouva parachevée en 2003 quand l’UNESCO étendit son agenda patrimonial aux formes et expressions culturelles intangibles, encourageant à lister et protéger les « traditions vivantes », au nom desquelles figurent les pratiques religieuses et divers aspects de l’ « identité ethnique » (Saxer, 2014 : 188). En effet, en se basant sur l’accroissement catégoriel du « patrimoine culturel » par l’UNESCO et, par effet de contagion, une plus grande variété de « patrimoine » fut reconnue, élargissant le champ de la préservation culturelle nationale (Yan, 2018 ; Zhu & Maags, 2020 : 12). La dimension extensive du patrimoine coïncide également avec l’essor d’un secteur économique spécifique, celui du tourisme dit « culturel » (Oakes & Sutton, 2010) : au cours de la période 1978-1996, les collectivités locales prennent conscience des gains financiers possibles, liés à la mise en valeur des sites, et des répercussions économiques du développement touristique (Sofield & Li Fung Mei, 1998 ; Fresnais, 2001 : 154). Cependant, le tourisme est également perçu comme un outil de « modernisation » des zones périphériques chinoises afin de les sortir de la pauvreté (Oakes, 2013). En effet, la prise en compte du patrimoine comme levier touristique a induit un essor considérable, attirant les touristes nationaux et étrangers sur ces sites (Nyiri, 2006).
Ce nouveau paradigme s’est donc accompagné d’un spectaculaire boom patrimonial qui se manifeste pleinement par la promulgation de sept autres listes du patrimoine culturel – en 1982, 1988, 1996, 2001, 2006, 2013 et 2019[8] – où l’on voit que la question patrimoniale devient un élément fortement investi par le gouvernement, avec aujourd’hui un total de 5’053 sites recensés au niveau national et par la création de nouvelles catégories patrimoniales en Chine (« Sites pittoresques », « Villes historiques et culturelles », « Parcs nationaux », « Zones d’attractions touristiques », etc.). Si les critères de sélection suivent les différents textes promulgués sur le patrimoine culturel national, la nomination d’un site au détriment d’un autre n’est rendue visible par aucune procédure publique (Svensson, 2011 ; 2016 : 39 ; Bodolec, 2013 : 260). Cette gestion opaque, patronnée par le « Bureau national du patrimoine culturel » (State Administration of Cultural Heritage – SACH ; 国家文物局), s’appuie sur les recensements effectués par les administrations locales et des comités d’experts divers dont les décisions ont fluctué dans le temps, au gré des changements idéologiques, institutionnels et législatifs (Svensson, 2011 ; Silvermann & Blumenfield, 2013).
En effet, si les premiers temps du patrimoine national sont marqués par une focalisation presque exclusive sur le passé révolutionnaire du pays, l’attention s’est peu à peu étendue au passé impérial et nationaliste de la Chine dans les années 1980, pour faire place, dès les années 1990 à la célébration d’un patrimoine « ethnique » et vernaculaire. Mais surtout, et peut-être de manière plus durable, le discours officiel sur le patrimoine s’est également développé grâce à la coopération et aux contacts internationaux depuis les années 1980. Suite à l’adhésion de la Chine à l’UNESCO en 1985, à la charte de l’ICOMOS en 2000 et finalement, comme déjà évoquée, à la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel en 2003, de nombreuses collaborations eurent lieu entre ces instances internationales et les différents bureaux du patrimoine chinois (China ICOMOS, 2000 par exemple), démontrant non seulement l’adoption de ces critères de gestion internationaux en Chine (Svensson, 2016 : 37), tout en occupant une position de plus en plus dominante au sein du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Au fil des ans, la Chine a étendu son influence en présentant un nombre toujours plus élevé de candidatures[9], en intensifiant ses efforts de diplomatie patrimoniale (nombreuses délégations aux réunions de l’UNESCO, organisation d’un festival du patrimoine culturel immatériel, etc.) (Svensson & Maags, 2018 : 16-17) ou encore en multipliant les collaborations avec d’autres pays du BRICS (Meskell et al., 2015). Cependant, ce processus d’expansion patrimoniale s’effectue dans un cadre strict, où le caractère distinct des « minorités » ethniques et/ou religieuses ne doit pas nuire à l’unité nationale ou à ces objectifs de modernisation (Silvermann & Blumenfield, 2013 : 8 ; Shepherd & Yu, 2013 : 28).
- Le cas du « patrimoine musulman»
Dans cette extension du domaine patrimonial chinois, une évolution est donc également intervenue relative aux édifices religieux. L’État reconnaît officiellement l’activité religieuse dans les lieux de culte dûment enregistrés, y compris dans ceux considérés comme des sites du patrimoine (Fresnais, 2001 : 240), mais cet agrément n’est possible qu’à condition d’être inscrit dans une pratique religieuse « ordinaire »[10], c’est-à-dire institutionnelle. Cependant, si la religion peut être vue comme un facteur positif et une force morale soutenant la stratégie étatique de développement, elle reste cependant un support potentiel subversif pour mobiliser la société civile sous la bannière de la religion (Potter, 2003 ; Chen, 2003). Toutes activités considérées comme pouvant ébranler l’État en apportant un soutien aux foyers de sédition, aux tendances séparatrices ou réputées pour faire avancer les intérêts d’autres pays sont vus avec suspicion. La question du « terrorisme » est une constante officielle depuis les évènements du 11 septembre 2001, permettant de justifier un grand nombre d’opérations militaires et policières destinées à lutter contre ce qui est identifié comme les « trois forces » [三股势力][11], à savoir le « séparatisme », le « terrorisme » et l’ « extrémisme religieux » (Dillon, 2001 ; Castets, 2006). Le PCC a donc fermement repris en main le processus de « réinvention du patrimoine », en sanctionnant ce qui est considéré comme des « superstitions féodales » [封建迷信] ou des « activités religieuses illégales » [非法宗教活动] et en promouvant les « traditions » [传统] et les « coutumes folkloriques » locales [民俗]. Ce procédé, soutenu par un jeu de loyautés politiques, engendre un ajustement continuel des pratiques rituelles et une (re)définition constante de l’orthopraxie, circonscrit dans un mode rhétorique balisé, celui d’une « culture islamique aux caractéristiques chinoises » [中国特色的伊斯兰教文化] (Huang, 1999). De ce fait, certains mausolées deviennent des attractions touristiques, permettant ainsi au gouvernement d’illustrer son discours sur la richesse des « traditions nationales », alors que d’autres, à l’instar du mausolée d’Ordam Padishah au Xinjiang (Zarcone, 2001), sont tout bonnement fermés. Si les limites entre ces deux pôles sont difficiles à définir, le contrôle et la distribution des ressources symboliques et/ou matérielles visent plus que jamais à en faire des pratiques « civilisées » propres à s’intégrer dans la « nouvelle image de la nation » (Billeter, 2007 : 394).
De ce processus, l’islam est alors davantage abordé comme un « trait culturel » caractéristique des minorités nationales que comme religion universelle (Doyon, 2014 : 183) ce qui explique, en partie, la prise en compte tardive du « patrimoine musulman ». Bien que la mosquée Qingjing [清净寺] dans la ville de Quanzhou fut inscrite sur la première liste du patrimoine national en 1961, il faudra attendre la troisième liste, soit en 1988, pour que de nouveaux sites y figurent (au nombre de sept). Ce n’est que véritablement à partir des années 2000 que ce patrimoine prend un peu plus d’importance, avec six sites inscrits en 2001, treize en 2006, vingt-quatre en 2013, trois en 2019, comptabilisant au total 55 pour la période entre 1961 et 2019.
Lentement, et suivant la répartition géographique des « minorités musulmanes » en Chine, le « patrimoine musulman » a alors commencé à être perçu comme partie prenante de la « culture » et de l’ « identité nationale chinoise » par le gouvernement. Cette récente prise en compte de la part des autorités politiques atteste de l’évolution du rôle du patrimoine et de son interprétation dans une société en construction (Choay, 1996) et de son avatar économique. Elle est également révélatrice du rôle joué par les monuments dans le maintien et la construction de l’identité des peuples ou des groupes sociaux. Cependant, il serait faux de considérer la reconnaissance de ce patrimoine comme émanant exclusivement d’instances étatiques et centralisées.
Le « tournant patrimonial en Chine » (Ludwig, Walton & Wang, 2020) a ouvert la voie à des nouveaux acteurs impliqués dans les processus de patrimonialisation (Svensson & Maags, 2018 : 21 ; Ludwig et al., 2020) : ainsi, certaines pratiques cultuelles furent reconnues comme profitables par de nombreux chercheurs, favorisant leur inscription en tant que « patrimoine culturel national » tout en prenant garde de séparer l’ivraie du bon grain, c’est-à-dire en promouvant uniquement les « traditions » ayant un effet sociétal bénéfique (Xiao, 2012 : 193 ; Gao, 2014). Ces chercheurs furent peu à peu secondés par des officiels et certains musulmans eux-mêmes, qui commencèrent à s’intéresser à ce patrimoine et à demander sa protection, s’insurgeant contre des démolitions « arbitraires », qui détruisaient des données historiques irremplaçables (Zhang & Ma, 2015 ; Anonyme, 2018). L’importance du « patrimoine musulman » en Chine permet alors, selon ces chercheurs, d’ « exhiber la diversité intrinsèque de la culture chinoise », et de reconnaître la spécificité de l’islam chinois, soumis à un processus continuel de sinisation : dans ce contexte, l’islam local n’est alors pas considéré un simple dérivé de l’islam arabe, mais une combinaison sophistiquée d’échanges culturels avec la « culture confucéenne traditionnelle », capable d’absorber et d’intégrer les coutumes et les cultures de chaque groupe ethnique. Ces échanges se sont notamment matérialisés à travers la construction des mosquées en forme de pagode, combinant l’architecture chinoise traditionnelle à l’architecture musulmane qu’il est nécessaire de sauvegarder pour les générations futures. Au lieu donc de détruire ces anciennes mosquées pour en reconstruire de nouvelles au style arabisant, il est primordial de les protéger afin de construire une « culture socialiste avancée » basée sur la « culture traditionnelle chinoise », contribuant ainsi à la réalisation du « rêve chinois » [中国梦] (Zhang & Ma, 2015). Au lieu donc de la sécularisation ou de la désacralisation, le gouvernement communiste tente de changer le contenu sacré, d’en modifier l’objet. Pour ce faire, les dirigeants ne cherchent pas tant à éradiquer les cultes qu’à les adapter pour utiliser leur fonction sociale dans un processus d’ « ingénierie sociale » (Yan & Gao, 2017).
Ainsi, le patrimoine est employé comme un outil pour promouvoir l’image d’un passé chinois rénové et glorieux dans un processus continuel de construction nationale, une image reflétée dans le slogan présidentiel de « grand rajeunissement de la nation chinoise » [中华民族伟大复兴] (Svensson & Maags, 2018 : 19 ; Zhu & Maags, 2020 : 12). Dans ce cadre, le patrimoine religieux, et le « patrimoine musulman » en particulier, sans être formellement catégorisé sous ce terme, est allègrement utilisé à des fins politiques et économiques (Bugnon, 2022). Néanmoins, cette catégorie non formulée ne constitue pas l’apanage hégémonique des officiels chinois : des leaders religieux tout comme certains chercheurs en font également la promotion, leur permettant ainsi de préserver leurs institutions. Ces chercheurs, fonctionnaires et/ou religieux sont certainement limités dans ce qu’ils peuvent défendre publiquement : cependant, la labellisation et la protection du « patrimoine musulman » répondent à la contingence de deux forces, étatique et civile, qui se sont rencontrées au bon endroit et au bon moment. Comme nous l’avons vu à travers ces quelques pages, la patrimonialisation de sites musulmans est un procédé récent aux régimes temporels différentiels, répondant à des contingences de politiques locales particulières. De ce fait, cette valorisation s’inscrit dans un processus dialogique, devenant un outil pour les uns comme pour les autres, promouvant les intérêts d’une vaste palette d’acteurs sociaux.
Cette contribution a été relue par Florence GRAEZER BIDEAU.
Suggestion de citation:
BUGNON, Pascale (2022). « L’émergence du « patrimoine musulman » en Chine. Quelques réflexions sur les enjeux d’une catégorie non formulée. Suivi de « Listes du patrimoine musulman en Chine au niveau national » (1961-2019) ». In Blog Scientifique de l’Institut Confucius, Université de Genève. Lien permanent: https://ic.unige.ch/?p=1420 consulté le 11/21/2024.
Références:
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Andrieux Jean-Yves, 1997, Patrimoine et histoire, Paris, Belin.
Anonyme, 2018, « La protection du patrimoine musulman en Chine est extrêmement urgente » [保护中国伊斯兰文化遗产迫在眉睫], in : Muslims online, 21 septembre 2018, URL: http://www.muslimwww.com/html/2018/jinrijujiao_0921/34284.html, consulté le 29 septembre 2019.
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[1] Bien que présente dans quelques documents comme l’article Anonyme, 2018 ; Zhang & Ma, 2015 et sur le site de l’Association Islamique de Chine, 2015.
[2] Entre 1928 et 1939, plusieurs lois furent édictées avant le déclenchement de la guerre Sino-Japonaise dont Loi sur la préservation des objets de valeur historique, culturelle et artistique; Règlement provisoire régissant les types et formes d’articles d’importance historique, culturelle et artistique; Directive sur l’interdiction d’exportation des objets de valeur historique, culturelle et artistique; Statut pour la préservation des sites pittoresques, des points d’importance historique et des objets de valeur historique, culturelle et artistique (Murphy, 1994).
[3] « Qieshi zuohao wenwu baohu guanli gongzuo » (Les travaux d’administration et de protection du patrimoine sont en bonne voie), RMRB, 2 avril 1961, p. 2, cité par Fresnais, 2001 : 75.
[4] « Loi de la République populaire de Chine sur la préservation des reliques culturelles » [Zhonghua renmin gongheguo wenwu baohu fa 中华人民共和国文物保护法], plusieurs fois révisée dès lors. Outre cette loi, il existe également d’innombrables instruments juridiques, dont des règlementations de mise en œuvre desdites lois, parfois élaborées en coopération avec des institutions étrangères, telles que les « Principes pour la conservation des sites du patrimoine en Chine », formulés en coopération avec le Getty Conservation Institute et l’ancienne Australian Heritage Commission.
[5] « In the course of the country’s long history, the various religions in China have become part of the traditional Chinese thinking and culture. It is traditional for Chinese religious believers to love their country and religions. The Chinese government supports and encourages the religious circles to unites the religious believers to actively participate in the construction of the country » (Information Office of the State Council of the People’s Republic of China, 1997 : 3).
[6] Article 36 de la Constitution: « Citizens of the People’s Republic of China enjoy freedom of religious belief. No state organ, public organization or individual may compel citizens to believe in, or not to believe in, any religion; nor may they discriminate against citizens who believe in, or do not believe in, any religion. The state protects normal religious activities. No one may make use of religion to engage in activities that disrupt public order, impair the health of citizens or interfere with the educational system of the state. Religious bodies and religious affairs are not subject to any foreign domination » : voir l’entierté de la Constitution sur USC University of Southern California, 1984.
[7] En novembre 1993, le président Jiang Zemin a émis « trois directives » [三句话] à la Conférence nationale de travail du Front uni, fournissant les paramètres selon lesquels toutes les affaires religieuses et les activités des organisations religieuses « patriotiques » doivent fonctionner : (1) mettre en œuvre correctement les politiques religieuses du Parti; (2) renforcer le contrôle des affaires religieuses conformément à la loi; (3) guider positivement la religion pour qu’elle soit compatible avec la société socialiste. Ces directives donnèrent lieu, en janvier 1994, à deux règlements importants (n°144 et n°145) pour resserrer le contrôle sur les activités religieuses en Chine (sur les activités religieuses des étrangers, leur interdisant de faire des convertis et pour resserrer le contrôle des affaires religieuses internes en Chine) (Potter, 2003 : 323).
[8] Les différentes listes peuvent être consultées sur le site du Conseil d’Etat de la RPC : http://www.gov.cn/guoqing/2014-07/21/content_2721152.htm (1961); http://www.gov.cn/guoqing/2014-07/21/content_2721159.htm (1982); http://www.gov.cn/guoqing/2014-07/21/content_2721163.htm (1988); http://www.gov.cn/guoqing/2014-07/21/content_2721166.htm (1996); http://www.gov.cn/guoqing/2014-07/21/content_2721168.htm (2001); http://www.gov.cn/guoqing/2014-07/21/content_2721173.htm (2006); http://www.gov.cn/guoqing/2014-07/21/content_2721176.htm (2013); http://www.gov.cn/zhengce/content/2019-10/16/content_5440577.htm (2019).
[9] La Chine possède à ce jour la deuxième plus grande quantité de sites inscrits au patrimoine mondial culturel et naturel (56) et la plus grande quantité de pratiques au patrimoine culturel immatériel (42) de l’UNESCO.
[10] Voir à nouveau la Constitution de la RPC, article 36 qui affirme que « l’Etat protège les activités religieuses ordinaires » [国家保护正常的宗教活动] (USC University of Southern California, 1984).
[11] Ce terme fut introduit en 2000 durant un meeting du « groupe de Shanghai », devenu depuis 2001 l’ « Organisation de coopération de Shanghai ».